S’il est donné à chacun d’être consterné par les
représentations du réel que se font les autres, il semble que peu de personnes
prennent le risque d’appliquer cette critique à elles-mêmes. Le prix de
l’hypocrisie est intuitivement moins lourd pour la conscience que celui de la
lucidité. Car qui veut quitter les charmes narcissiques de la
conviction et de l’indignation, pressent bien que ce sera pour sombrer sans
recours dans l’intranquillité. A présent il m’arrive d’éprouver comme une
douloureuse jubilation l’impression que plus je pense, plus je doute. Alors, je
me retourne vers toutes les certitudes, convictions, opinions qui furent les
miennes, et je les contemple comme s’il s’agissait de cadavres d’insectes cloués
au fond d’une boîte que seul un couvercle de verre préserve de la poussière.
J'allais le dire ! (en largement moins bien !)
RépondreSupprimerLe propre de la dérive ou, du moins, une de ses manifestations la plus connue est de faire s'échouer sur n'importe quel rivage. Si l'on s'improvise naufragé, le gonflement des voiles, toutes déchirées qu'elles soient, cet élan d'un vent capable, littéralement, de nous mener n'importe où, a quelque chose d'exaltant. Si la coulée est subie, c'est une autre histoire et le long train des courants incertains mène à une soif et une déréliction bien concrètes. Mais sans doute, certains sont mieux taillés pour les incertitudes de la haute mer que les racleurs de côte qui composent la majorité des trimardeurs...
RépondreSupprimerMerci pour ce commentaire délicieusement ironique. Comme je le précisais dans un billet précédent, tout rivage m’apparaît d’abord comme un mirage. A présent je n’accoste que pour me défaire de l’escale précédente, sans rester trop longtemps par peur du dogmatisme qui risquerait de me contaminer. La seule chose qui m’intéresse, sans sombrer dans un relativisme systématique, c’est la façon dont la pensée ou une forme d’esthétique se développe à partir de telle ou telle représentation du monde. Pour tout vous dire, cher Promeneur, en ce moment j’ai choisi d’arpenter des rivages marxistes, lassé des sermons de la religion capitaliste dominante du moment. Je m’y sens bien comme visiteur, mais je sais que je finirai par m’y sentir étranger avant de réappareiller. J’épinglerai quelques papillons avant mon départ, pour les contempler avec nostalgie lorsque la mer se fera houleuse. Bien à vous.
RépondreSupprimerLe vieux Karl comme compagnon de radeau, il y a pire. Vous croiserez sûrement de beaux papillons dans cette croisière, cher Dériveur. En attendant de découvrir votre collection, bien à vous aussi.
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