mardi 1 janvier 2019

Résolution


« Levé avec force projets en tête, j’allais travailler, j’en étais convaincu, toute la matinée. A peine m’étais-je assis à ma table, que l’odieuse, l’infâme, et persuasive rengaine : "Qu’es-tu venu chercher dans ce monde ?" brisa net mon élan. Et je regagnai, comme d’ordinaire, mon lit avec l’espoir de trouver quelque réponse, de me rendormir plutôt. »
Cioran, De l’inconvénient d’être né

samedi 12 août 2017

A Saint-Martin


                  Elle vous attend à Saint-Martin
                  Là juste au coin de la rue
                  Vous les passants
                  Qui faites semblant
                  De ne l’avoir pas vue
                  Vous vous croyez les plus malins

                  L’heure tourne le soir suit le matin
                  Allons changez votre point de vue
                  Car elle ramasse
                  Chaque jour qui passe
                  Vous y voyez un jour de plus
                  Mais c’en est plutôt un de moins

                  Et très bientôt qui sait demain
                  Vous finirez entre ses mains
                  L’heure tourne le soir suit le matin
                  Elle vous attend à Saint-Martin

jeudi 3 août 2017

Le livre de l'été

"Le livre de plage idéal !" (Psychotropes magazine)

"L'enfer du réel à la portée de tous." (Rances Loisirs)

"Déconstruction de soi, mode d'emploi." (Téléramasse)



mardi 16 mai 2017

Portrait


« Il avait aussi cette faculté merveilleuse de pouvoir, cinq heures durant, et sur n’importe quel sujet, parler sans jamais exprimer une idée. Son intarissable éloquence déversait, sans un arrêt, sans une fatigue, la lente, la monotone, la suicidante pluie du vocabulaire politique, aussi bien sur les questions de marine que sur les réformes scolaires, sur les finances que sur les beaux-arts, sur l’agriculture que sur la religion. Les journalistes parlementaires reconnaissaient en lui leur incompétence universelle et miraient leur jargon écrit dans son charabia parlé. Serviable, quand cela ne lui coûtait rien, généreux, prodigue même, quand cela devait lui rapporter beaucoup, arrogant et servile, selon les événements et les hommes, sceptique sans élégance, corrompu sans raffinement, enthousiaste sans spontanéité, spirituel sans imprévu, il était sympathique à tout le monde. Aussi son élévation rapide ne surprit, n’indigna personne. Elle fut, au contraire, accueillie avec faveur des différents partis politiques, car Eugène ne passait pas pour un sectaire farouche, ne décourageait aucune espérance, aucune ambition, et l’on n’ignorait pas que, l’occasion venue, il était possible de s’entendre avec lui. Le tout était d’y mettre le prix. »

Octave Mirbeau, Le jardin des supplices

samedi 31 décembre 2016

Flûte

A travers les fenêtres, on ne distinguait que les halos orangés des lampadaires à sodium qui jalonnaient le chemin longeant le jardin. La brume enveloppait le dernier soir de décembre. Pour une fois, il avait choisi de mettre un peu de musique dans la bibliothèque. Se laissant guider par l’étrangeté de « No quarter » et la tristesse de la météo, il attrapa son Lautréamont avant de s’asseoir dans le vieux fauteuil déchiré. Il songea un instant à tous ces gens qui célébraient encore une fois le rituel du passage vers une nouvelle année. La date changeait, la belle affaire ? Leurs petits fours ne pouvaient dissimuler l’arrière-goût amer de la vie. Et pour lui en tout cas, c’était bien cette amertume qui faisait le prix de l’existence. En pensant à toutes ces conneries, alors que ses yeux glissaient sur l’avertissement adressé par le poète au lecteur, une envie de Champagne le saisit soudain. Flûte.


samedi 10 décembre 2016

A certaines heures pâles de la nuit


« Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles
A certaines heures pâles de la nuit
Près d'une machine à sous, avec des problèmes d'hommes, simplement
Des problèmes de mélancolie
Alors, on boit un verre, en regardant loin derrière la glace du comptoir

Et l'on se dit qu'il est bien tard... »


Léo Ferré, Richard

mercredi 30 novembre 2016

Une conférence de rédaction chez "Valeurs Actuelles"


Début à 8 heures. On prend un petit café avec des sucrettes de met’ et une assiette de space cake. Pour trouver la hargne, on écoute les éditos de ces bolchos de France Inter. C’est sûr, Patrick Cohen, Dominique Seux, Bernard Guetta sont communistes. Même le type qui récite la liturgie du CAC en direct du temple, c’est un coco ! Des putains de rouges, le couteau entre les dents.
10 heures. Entre deux shoots d’héro, on se remémore les dernières paroles de Pierre Gattaz en Chine, affirmant que la France était un pays communiste. Quelqu’un demande aux journalistes présents s’ils ont déjà lu une ligne de Marx. Silence, suivi d’un fou rire généralisé. Dans le fond de la salle, y’en a un qui vomit.
Midi. On se fait une omelette aux psilos devant Rambo III. Ça commence bien, Rambo compte sauver la planète de la menace soviétique. Mais un certain malaise gagne la rédaction lorsque le film rappelle que dans les années 80, le « monde libre » était très copain avec les djihadistes quand il fallait taper les Russes.
14 heures. La copie est pissée, on a gerbé une couv’ d’enfer, bien envoyée à ces fumiers de cocos qui contrôlent les médias français : Niel, Drahi, Lagardère, Dassault… On se congratule avant de se faire un dernier rail de coke. C’est beau le journalisme. Vivement la semaine prochaine.