mercredi 20 avril 2016

Je ne m'accorde pas au pluriel

Depuis plusieurs jours est né tout un pataquès de l’altercation entre Alain Finkielkraut et une partie de la foule qui se fait appeler Nuit Debout. Disons-le rapidement, j’ai plutôt de la sympathie pour ceux qui, chez Nuit Debout, on envie d’exprimer l’écœurement provoqué par la soupe que la médiocre classe politique, financière et médiatique nous sert au quotidien. Par ailleurs, je ne partage pas plus les fantasmes négatifs de Finkielkraut sur le prétendu "Grand Remplacement" déploré par son ami Renaud Camus, que ses fantasmes positifs sur un hypothétique âge d’or qui serait révolu. Mais au fond, je ne crains ni n’espère rien d’un réel qui, quand on en méprise les futiles convulsions qui offrent à tant de gens des opportunités de s'agiter qu'ils prennent pour des raisons de vivre, n’a finalement rien de nouveau à présenter aux hommes. Bref. Mon propos n’est pas là. Car contrairement à de nombreux commentateurs de l’événement, je ne m’intéresse pas à l’identité des protagonistes de cet affrontement.  
Tout ce que je constate, c’est qu’une fois encore, une confrontation indigne s’est produite entre une foule et un individu. Or la foule, du plus loin que je me souvienne, m’a toujours effrayé. Je n’aime ni les stades ni les fêtes, je ne raffole pas des concerts, je me sens moutonnier dans toute manifestation, fût-elle motivée par un élan humaniste. La foule ne pense pas. La foule est brutale. Et surtout la foule, par essence, ne supporte pas la contradiction. Elle ne peut l’admettre sans se dissoudre ; c’est la source de tous ses vices. 
La recherche de cohérence, qu’on retrouve davantage chez l’engagé qui désire afficher son opinion plutôt que chez celui qui se donne la peine de penser, se transforme aisément en besoin de cohésion voire de stéréotypie : le renoncement à une représentation alternative du réel ne fait ainsi que s’amplifier. Les semblables s’agglutinent, croyant assouvir un désir de fraternité alors qu’ils ne font que céder à une pulsion totalitaire. Si passe par là un non-semblable, malheur à lui. Qu’il s’agisse d’un philosophe, d’un supporter de foot, d’un dictateur déchu ne change rien au dégoût que m’ont toujours inspiré ces images.

1 commentaire:

  1. Je dois vous dire, cher Dériveur, ne pas être d'accord avec votre commentaire sur les rassemblements de Nuit debout ainsi que sur l'incident ayant eu lieu entre Finkielkraut et quelques individus, place de la République.

    Ce qui me gêne dans votre propos est, sans doute, une manière de point de vue de Sirius qui ne s'appuie, semble-t-il, que sur la vision d'une vidéo (mais, peut-être, étiez-vous là ce soir là ?). Or vous savez, comme moi, combien l'image est trompeuse, partielle, séparée du réel. Et, cela dans une société qui a vite tendance à juger d'un événement sur la trace qu'il laisse plutôt que sur l'événement lui-même. J'ai été étonné de vous voir reprendre, grosso modo, l'ensemble des raisonnements diffusés dans les médias c'est-à-dire sur l'acceptation de l'image (ici devenue quasi doxa) de l'individu face à une foule ivre de haine.

    Or, j'ai pris la peine de lire (et de visionner) l'ensemble des témoignages consacrés à cet épisodes et il m'a semblé très vite évident qu'il ne s'agissait pas d'une foule compacte, quasi monadique, mais de plusieurs groupes, de plusieurs individus aux opinions, aux perceptions et aux comportements extrêmement variés face à la présence d'A.F. Il m'a donc semblé que de parler de foule-ivre-de-haine était céder à une image facile et, à bien y penser, fausse de l'événement.

    Je ne gloserai pas, ici, sur ma vision de l'événement sinon que je résumerais la chose comme un échange rugueux de points de vue entre différents individus. Même si cela fut agressif et désagréable, je ne le tiens pas moins comme une part (maudite ? ) de la démocratie directe. Car, ne nous le cachons pas, la démocratie directe, c'est aussi la dispute violente, le rapport de force – un rapport de force qui, quand on connaît la force de frappe médiatique d'un A.F. n'est pas si disproportionné que cela (il suffit, pour s'en convaincre, d'apprendre que notre philosophe a fait déjà part de sa mésaventure dans nombre de média). Soyons clair, il est évident que j'aurais préféré voir nos protagoniste entamer un débat moins injurieux avec les personnes qui l'ont apostrophé mais il m'a semblé, en tout cas, excessif de parler de « foule-voulant-lyncher-un-homme-seul».

    Enfin, une remarque, pour finir : j'ai trouvé dommage que, d'une façon un peu rapide, vous terminiez votre texte en évoquant la figure de l'engagement (et de l'engagé), comme devant mener presque immanquablement à l'absence de réflexion ou, tout du moins, à une pulsion grégaire presque impossible à réfréner. N'avez-vous pas cédé là à un poncif ? Celui du militant obligatoirement bas du front et suiviste face à la figure, plus noble, du penseur dégagé (et isolé) ? Cela m'a mis un peu mal à l'aise, je vous l'avoue.

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