
Depuis peu, cet endroit reculé de la Toile s'agite d'un léger
frémissement. L'araignée que j'ai dans la tête fut d'abord étonnée de ce mouvement,
avant de remarquer que le sieur Frédéric Schiffter en était le discret
et aimable artisan. En fait, je dois dire que je n'avais donné
rendez-vous à personne au fond de ce trou. Aucune envie de m'expliquer
auprès de telle ou telle connaissance qui ne comprendrait rien à mon
désir récent de donner forme au pessimisme et aux contradictions qui
m'habitent, me stimulent et m'amusent. Médecin le jour, nihiliste la
nuit, se laissant aller par sentimentalisme (et nostalgie) à quelques
retours au carbu de romantisme de gauche, et par séduction littéraire
(et nostalgie aussi) à quelques élans réactionnaires : chers visiteurs,
il ne faut s'attendre à rien de cohérent devant le cloaque de mes
réflexions désordonnées et intranquilles. Peut-être est-ce pour me
rassurer, mais j'ai fini par me dire que le besoin de cohérence
conduisait souvent à un assèchement de la pensée. Cependant je sais
qu'avec des lecteurs de Schiffter, comme avec les deux ou trois inconnus
qui avaient déjà échoué ici, je ne ressentirai pas la nécessité de me
justifier. Continuons donc, nous verrons où ça nous mène - en espérant
que ce ne soit nulle part, comme prévu.