Depuis plusieurs jours est né tout un pataquès de
l’altercation entre Alain Finkielkraut et une partie de la foule qui se fait
appeler Nuit Debout. Disons-le rapidement, j’ai plutôt de la sympathie pour
ceux qui, chez Nuit Debout, on envie d’exprimer l’écœurement provoqué par la soupe que la médiocre classe politique, financière et médiatique nous sert
au quotidien. Par ailleurs, je ne partage pas plus les fantasmes négatifs de
Finkielkraut sur le prétendu "Grand Remplacement" déploré par son ami Renaud
Camus, que ses fantasmes positifs sur un hypothétique âge d’or qui serait
révolu. Mais au fond, je ne crains ni n’espère rien d’un réel qui, quand on en
méprise les futiles convulsions qui offrent à tant de gens des opportunités de
s'agiter qu'ils prennent pour des raisons de vivre, n’a finalement rien de
nouveau à présenter aux hommes. Bref. Mon propos n’est pas là. Car contrairement
à de nombreux commentateurs de l’événement, je ne m’intéresse pas à l’identité
des protagonistes de cet affrontement.
Tout
ce que je constate, c’est qu’une fois encore, une confrontation indigne s’est
produite entre une foule et un individu. Or la foule, du plus loin que je me
souvienne, m’a toujours effrayé. Je n’aime ni les stades ni les fêtes, je ne
raffole pas des concerts, je me sens moutonnier dans toute manifestation,
fût-elle motivée par un élan humaniste. La foule ne pense pas. La foule est brutale.
Et surtout la foule, par essence, ne supporte pas la contradiction. Elle ne
peut l’admettre sans se dissoudre ; c’est la source de tous ses vices.
La recherche de cohérence, qu’on retrouve davantage chez l’engagé qui désire
afficher son opinion plutôt que chez celui qui se donne la peine de penser, se
transforme aisément en besoin de cohésion voire de stéréotypie : le renoncement
à une représentation alternative du réel ne fait ainsi que s’amplifier. Les
semblables s’agglutinent, croyant assouvir un désir de fraternité alors qu’ils
ne font que céder à une pulsion totalitaire. Si passe par là un non-semblable,
malheur à lui. Qu’il s’agisse d’un philosophe, d’un supporter de foot, d’un
dictateur déchu ne change rien au dégoût que m’ont toujours inspiré ces images.